Autrefois, enfin il y a une vingtaine
d'années, quand nous allions sur les "hauts"il y avait
encore beaucoup de haies qui séparaient les parcelles cultivables.
Les rayons de braquage des tracteurs ont-ils diminué, la sacro
sainte rentabilité est-elle passée par là ? Toujours
est-il que les haies ont disparu et par là même les cerisiers
qui les contituaient en grande partie. Vous me direz, maintenant la paille
n'est plus ramassée à la fourche, les cabines des engins
agricoles sont climatisées, donc plus besoin de se rafraîchir.
Mais enfin, c'est dommage, car c'était bien agréable de
déguster ces délicieuses cerises désaltérantes,
fraîches sur l'arbre, ou bien d'en ramener quelques poignées
à ma grand-mère. Car la tarte aux cerises de ma grand-mère,
c'était quelquechose..............
Difficile de me faire manger de la
tarte aux cerises et même des cerises telles qu'on les trouve sur les
marchés. Car j'ai en mémoire une cerise délicieuse et rare, le fruit de
mes juillets d'enfance. La cerise de Montmorency est une petite cerise
aigre, d'un rouge clair presque rose foncée. Plus molle que la grosse
cerise, elle est parfaite en pâtisserie. La tarte de ma grand-mère
c'était un bijou de subtilité entre l'acidité et le sucre, la pâte
étant gorgée du jus des fruits. C'est d'ailleurs la seule difficulté de
cette tarte : éviter que la pâte soit trop molle et se désagrège.
J'ai hérité de la recette,
je vais essayer de vous en faire profiter. Mais avant un peu d'histoire.
Le cerisier était déjà présent
en Europe 3000 ans avant notre ère (on en a trouvé des traces dans
les cités lacustres suisses de l'âge de pierre), mais on ignore en
fait d'où il est vraiment originaire (peut-être du Moyen-Orient).
Grecs et Romains connaissaient bien le cerisier, du moins sous sa
forme "sauvage" de merisier. Le Général et gastronome Lucullus aurait
rapporté de ses campagnes militaires des greffons de bonnes variétés,
c'est du moins ce que prétend le naturaliste Pline. Chez nous, dès
le Moyen-Age, la cerise était l'un des fruits les plus appréciés.
A la Renaissance, on savait déjà obtenir des cerises précoces. Louis
XV, grand amateur de cerises, encouragea la culture et le développement
des nouvelles variétés.
La tarte

A vrai dire, quelques poignées
de cerises ne suffisaient pas toujours à déclencher la confection
de tartes. J'ai plus souvent vu une paire de paniers pleins, qu'elle
nous avait demandé d'aller cueillir dans le clos du Pâquis, lui mettre
du cœur à l'ouvrage.
Elle commençait par prendre au moins un kilo de farine qu'elle versait
dans un saladier. Elle y ajoutait une livre de margarine en petits
dés pour ramollir, et une pincée de sel. Elle écrasait alors entre
ses doigts farine et margarine jusqu'à obtenir un mélange homogène.
Ainsi fait, elle creusait un puits dans lequel elle versait progressivement
de l'eau afin de former une boule de pâte.
Elle sortait la pâte du saladier et la pétrissait à même la table
: je vois exactement son geste qui consistait à prendre un bord de
la boule et à l'écraser sur le reste d'un mouvement souple du talon
de la main. La pâte reposait tandis qu'elle apportait toute sa gamme
de tourtières : quelques grandes à très grandes (30 à 40 cm de diamètre)
et une multitude de petites individuelles.
Alors commençait la valse de la pâte qui se retrouvait aplatie au
rouleau à pâtisserie sans poignées et long de cinquante centimètres
(tourné sur mesure par le menuisier du village).
Les tourtières garnies de pâte piquetée à la pointe du couteau et
saupoudrée de sucre, n'attendaient plus que les cerises.
Comme elle a toujours su s'entourer de bonnes volontés et que la perspective
de goûter à ses tartes en motivait plus d'un, nous étions au moins
trois ou quatre prêts à remplir les tourtières de cerises, avec noyaux
bien sûr. La bonne odeur des cuissons en cours nous stimulait avantageusement.
Avant que la margarine ne fasse son apparition, ma grand-mère utilisait
du saindoux, qui sert encore aujourd'hui à confectionner certains
beignets de Carnaval très fins appelés "frivoles".
Le clafoutis

Laver 750 grammes de cerises,
les équeuter, les ranger dans un moule à gratin bien
beurré et saupoudré de sucre semoule.
Prendre 8 oeufs et séparer les jaunes des blancs. Mélanger
les jaunes avec 250 grammes de farine. Ajouter 30 grammes de beurre
fondu.
Mélanger à part un yaourt, 200 grammes de sucre semoule
et une pincée de sel.
Battre les blancs d'oeufs en neige et faire tiédir un quart
de litre de lait.
Réunir peu à peu le mélange jaunes d'oeufs-farine
et le mélange yaourt-sucre. Ajouter le lait tiède, puis
progressivement les blancs battus en travaillant la pâte pour
qu'elle soit homogène.
Verser la pâte régulièrement sur les cerises.
Faire cuire 40 minutes à four moyen (180°), départ
à four chaud.
A la sortie du four, saupoudrer de sucre glace et manger tiède.
Les cerises à la "goutte"

Pour 2 bocaux environ :
1 Kg de cerises
250 grammes de sucre
1 litre d'eau de vie de pays à 40°
Rincez les cerises et épongez
les soigneusement. Avec une paire de ciseaux, coupez les queues pour
n'en laisser que 1 cm environ. Mettez les cerises en les alternant
avec des couches de sucre dans les bocaux péalablement ébouillantés
et séchés. Fermez et laissez macérer 48 heures.
Recouvrez alors d'eau de vie et refermez à nouveaux les bocaux.
Entreposez les bocaux dans un endroit frais pendant 2 mois à
l'abri de la lumière. Afin que le sucre fonde bien il faut
agiter les bocaux tous les 10 jours.
Pour les inconditionnels de
Pierre DAC, je me permets quand même de vous communiquer sa recette
:
"Voici l'époque où
les cerises vont se trouver en abondance sur nos marchés; profitons
de leur prix abordable pour préparer de délicieuses cerises à
l'eau-de-vie. Pour cette préparation, employez de préférence la
cerise anglaise, la Montmorency, la griotte d'Etampes ou la tardive
de Saint-Quentin. Enlevez les queues, dénoyautez. Prendre un litre
de bonne eau-de-vie à 45° et procédez de la façon suivante : absorber
une dizaine de cerises d'un seul coup, boire immédiatement la
valeur d'un verre à bordeaux d'eau-de-vie et continuer ainsi jusqu'à
épuisement des cerises et de l'eau-de-vie. Cette méthode, qui
laisse à la cerise toute sa saveur, évite l'emploi toujours fastidieux
des pèse-sirop et des bocaux de verre."
Terminons en chanson :
Lorsqu'on entend le mot cerise
en France, il vient souvent à l'esprit de chacun le refrain d'une chanson
populaire très connue, intitulée: Le temps des cerises . Cette chanson
a été écrite par Jean-Baptiste Clément (1837-1903), un poète français
proche du peuple, qui a composé des chansons historiques liées aux événements
de la Commune, et la musique a été composée par Antoine Renard. Elle
a été composée en 1866 et dédiée ensuite au souvenir d'une ambulancière
de la Commune, Louise.

Le temps des cerises
Quand nous chanterons le temps des cerises,
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête!
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur!
Quand nous chanterons le temps des cerises,
Sifflera bien mieux le merle moqueur!
Mais il est bien court, le temps des cerises
Où l'on s'en va deux, cueillir en rêvant
Des pendants d'oreilles...
Cerises d'amour aux robes pareilles,
Tombant sous la feuille en gouttes de sang...
Mais il est bien court, le temps des cerises,
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant!
Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour,
Évitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai point sans souffrir un jour...
Quand vous en serez au temps des cerises,
Vous aurez aussi des peines d'amour!
J'aimerai toujours le temps des cerises,
C'est de ce temps-là que je garde au cœur
Une plaie ouverte...
Et dame Fortune en m'étant offerte
Ne pourra jamais fermer ma douleur...
J'aimerai toujours le temps des cerises
Et le souvenir que je garde au coeur!
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